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Moulin Jean

 

Jean Moulin (1899-1943), le plus jeune sous-préfet de France, nommé pour succéder à Philippe Duvard, arrive à Châteaulin le 2 février 1930.

 

"Ici, j'ai un jeune secrétaire, Jean-Baptiste Lucas. Il a l'air très bien. D'ailleurs, mon prédecesseur ne m'en a fait que des compliments. La maison que j'occupe est quelconque, il n'y a ni gaz, ni salle de bain mais elle est assez bien aménagée".

Un arrondissement peu mouvementé

A son arrivée, Jean Moulin entreprend une visite des environs et se dit "fasciné par les paysages", surtout par Locronan, Camaret, la ville fortifiée de Concarneau et Huelgoat qu'il surnommera "la Savoie de la Bretagne".

Mais il trouve cependant l'arrondissement peu mouvementé : "Châteaulin n'offre pas beaucoup de ressources. Je dirais même pas du tout. Aussi, je ne sors que rarement, sinon matin et soir pour aller au restaurant où l'on nous sert une tambouille pas très soignée".

A l'époque, l'arrondissement compte 115.000 habitants répartis en 62 communes. C'est le moins peuplé du Finistère.

Un républicain engagé

Quelques évènements ponctueront son séjour dans notre ville, comme la venue de Gaston Doumergue le 22 mai 1930, le président devant assister au lancement du "Duplex" puis à l'inauguration du pont de Plougastel.

Il devra aussi faire face à quelques manifestations de paysans puis de fonctionnaires remontés contre les réductions de traitement prévues dans le programme gouvernemental.

Malgré tout, Jean Moulin n'est pas bousculé par le travail qui "ne l'absorbe que quelques heures par jour".

Ce qui ne l'empêchera pas de se mouiller politiquement, de faire valoir ses idées de gauche et de bouleverser certains protocoles.

Il n'hésite pas à faire démissionner quatre secrétaires de mairie qu'il considère comme ivrognes et qui surtout "abusaient de leur autorité sur les petites gens". Le fait qu'à l'époque ces secrétaires soient aussi des agents électoraux ne l'arrête pas le moins du monde dans sa démarche !

Lors des élections législatives de 1932, il soutiendra bec et ongles le candidat républicain Charles Daniélou. Une initiative qui déplut fortement à André Tardieu, président du Conseil, qui envoya le jeune sous-préfet à Paris où il dut rester jusqu'à la fin du 2e tour !

 

 

 

Distant et timide

Bien que méridional, Jean Moulin a la réputation de quelqu'un de discret. Voire distant. Timide peut-être. Il refuse toute familiarité dans l'exercice de ses fonctions. Sauf avec son secrétaire en chef, Jean-Baptiste Lucas, un passionné d'art comme lui, avec qui il a noué des relations amicales.

Il redoute les discours, et les honneurs dus à son rang l'exaspèrent. Il se révèlera cependant proche de ses administrés. Lors de ses tournées, qui le conduisent de Carhaix à Camaret, il engage le dialogue avec la population qu'il croise, ce qui surprend les notables. Qu'importe. Il fera même don d'un mois de salaire aux anciens de l'Amicale laïque.

Le second visage de "Romanin"

Consciencieux et ambitieux, Jean Moulin est convaincu que Châteaulin est une étape obligée dans sa carrière.

Mais les journées lui paraissent longues. Il s'essaye à la pêche, va au cinéma. Il profite surtout de ce temps libre pour lire et "pénétrer l'âme bretonne" à travers les œuvres de Chateaubriand, Anatole Le Braz et autre Tristan Corbière dont les poèmes fantasques et obscurs l'intriguent. Poèmes qu'il illustrera d'ailleurs quelques années plus tard.

Artiste émérite, Jean Moulin gomme les clichés à grand coup de crayon et publie ses dessins humoristiques dans différents journaux sous le nom de "Romanin". Grâce au docteur Tuzet, médecin en chef à la préfecture, Moulin réussit à s'introduire dans un groupe d'artistes et d'écrivains qui se réunit régulièrement à Quimper.

Il cotoie ainsi Lionel Floch (graveur), Giovanni Léonardi (peintre et céramiste), le docteur Destouches (plus connu sous le pseudonyme de Céline), Robert-Louis Pillet (poète et journaliste) et surtout Max Jacob, qu'il jugera snob dans un premier temps avant de le considérer comme quelqu'un de carrément avant-gardiste et de s'en inspirer.

Quand il a une minute, Jean Moulin aime aussi rendre visite au poète Saint-Pol-Roux dans son manoir de la presqu'île de Crozon.

Cette aventure durera 39 mois. Jusqu'à ce que le torchon brûle entre lui et le préfet Larquet et qu'il soit nommé à Thonon, en Haute-Savoie, début 1933.

 

Pour en savoir plus :

André Cariou, "Jean Moulin en Bretagne", le sous-préfet de Châteaulin et ses amis écrivains et peintres, éditions Ouest-France, 2005.

André Cariou, "Jean Moulin, les années bretonnes", éditions Locus solus, 2020.

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